
Les violences faites aux animaux : un enjeu diplomatique nouveau et pressant
Jorel Bonomme - 26/01/2025
Dans le monde, un animal est maltraité toutes les soixante secondes. Un nombre ahurissant qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. Pourtant peu d’efforts semblent être fait à l’échelle internationale. Des Etats ont commencés à réaliser des efforts, mais ceux-ci restent assez primaires, et bien trop isolés. De plus, des tensions semble émerger de manière plus régulière et fréquente entre différents Etats. Celles-ci peuvent
provenir de désaccords liés à la pratique de tradition locale (comme la chasse aux cétacés), ou d’enjeux économiques importants (commerce d’animaux, test de produits cosmétiques, consommation d’origine animale, exploitation diverses, etc). La situation en France n’est pas meilleure que dans les autres pays. En effet, les animaux mettent en moyenne quatorze minutes à mourir dans un abattoir selon la Fédération française de la protection animale. En addition, encore selon la Fédération française de la protection animale chaque année en France, 250 000 animaux sont euthanasiés pour raisons financières ; 2,2 millions d’animaux, soit 4 par minutes, risquent leur vie à des fins expérimentales, et plus choquant, l’entièreté des bêtes d’Ile de France subissent un égorgement sans étourdissement préalable et sans que le consommateur en soit informé. La situation au niveau national est inquiétante, mais à l’échelle internationale tout autant, suscitant même de vives tensions entre Etats.
Une violence en tant que telle est selon le lexique de Gérard Cornu, « contrainte illicite, acte de force dont le caractère illégitime tient à la brutalité du procédé employé (violence physique ou corporelle, matérielle) ou par effet d'intimidation à la peur. La violence animale est selon le Code Pénal, « le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ». Naturellement, d’autres dispositions s’appliquent quant aux animaux dits sauvages comme l’article L214-3 du Code rural et de la pêche maritime « Il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité »
Ce que nous pourrions qualifier de « question animale » est un phénomène assez nouveau. En effet, historiquement la protection animale n’a pas toujours été une source de conflit entre États, ceux-ci étant focalisé sur des questions d’ordre plus « impératif ». Par conséquent, cet enjeu est en tant que tel assez contemporain et émerge dès le XIXème siècle et la prise de conscience environnementale. C’est dès la création des parcs naturels et nationaux aux Etats-Unis, dont notamment Yellowstone en 1872, que la question de la protection animale émerge au sein de l’opinion public. Ces enjeux ont su prendre une tournure davantage interétatique qu’intraétatique comme précédemment observé. Ainsi, des États se trouvent aujourd’hui opposés autour de pratiques comme la chasse aux cétacés, le trafic d’espèces protégées, ou l’utilisation d’animaux dans l’industrie cosmétique. Ces fortes tensions surviennent suite à des de pratiques contraires, divergentes, et l’un des principaux exemples est celui concernant la chasse aux cétacés mêlant Australie et Japon. Les diverses préoccupations culturelles, éthiques, économiques s’entrechoquent réellement tout en laissant place à des conflits diplomatiques croissants sur la scène mondiale. Le rôle influent de la société civile et tout particulièrement du secteur privé complexifie encore plus les négociations et donc la résolution, le consensus de ce sujet.
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Quels sont les enjeux diplomatiques liés à la protection animale, traduisant de fait les préoccupations modernes ?
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Profond ancrage culturelle de la violence animale
De ce fait, la question de la violence faite aux animaux a su difficilement s’imposer au sein de l’agenda politique. Bien qu’aujourd’hui ce sujet semble faire l’unanimité au sein de la société civile et politique -comme en témoigne l’émergence du parti animaliste aux élections européennes, il trouve en réalité ses racines dans des pratiques ancestrales, héritières d’une tradition et donc profondément ancrées dans de nombreuses sociétés. Ces violences peuvent prendre plusieurs formes, allant des abattoirs à la chasse intensive et à la surpêche, en passant par l'exploitation animale pour l'industrie du luxe, du divertissement ou bien de la médecine traditionnelle. Ces pratiques, souvent perçues comme légitimes au sein de certaines cultures, ont le pouvoir de créer des tensions entre États sur la scène internationale. Un des premiers problèmes est donc celui de la tradition et de la culture. Par exemple, la corrida fait souvent l’objet de nombreux débats. En effet, les associations de défense des animaux critiquent vivement ces pratiques jugés barbares, réalisés en grande partie par la population basque. L’Espagne et la France, sont assez partagés, et ne parviennent pas à aboutir à une position claire. En effet, en Espagne, la corrida est plus qu’ancrée dans la culture. Elle est même déclarée par le gouvernement en 2013, « bien d’intérêt culturel », puis dans 7 régions autonomes. De plus, la Cour constitutionnelle espagnole a annulé l’article d'une loi régionale de Catalogne en 2012 qui interdisait la pratique, au motif qu’il ne relevait pas de la compétence de la région mais bien de du gouvernement central la protection du patrimoine national. En France, la pratique est autorisée exclusivement dans des régions du sud. Cette question fait l’objet de nombreuses discussions bilatérales entre ces deux pays et le sujet des violences faites aux animaux s’invitent donc dans la diplomatie.
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Australie / Japon : l’exemple type
De plus, la question animale est également source de conflit entre les pays, et la diplomatie peut parfois ne pas suffire. L’exemple le plus marquant est entre l’Australie et le Japon et concerne la chasse à la baleine. En effet, exemple des plus emblématiques quant aux tensions diplomatiques liées à la violence faite aux animaux, il met clairement en lumière les divergences culturelles. En l’espèce, le Japon pratique depuis des siècles une chasse à la baleine. Or, la Commission Baleinière Internationale adopte en 1986, un moratoire visant explicitement à interdire ces pratiques. Toutefois, le Japon décide tout de même de poursuivre cette tradition invoquant des justifications scientifiques (récolte de donné). L’Australie, agacé par ce comportement, accuse publiquement le Japon de mentir et de poursuivre la chasse à des fins strictement commerciales. En 2010, à la surprise générale, après de nombreux avertissements, l’Australie décide de saisir Cour internationale de justice (CIJ). La décision est attendue, et en 2014, la CIJ donne raison à l'Australie et ordonne au Japon de suspendre sa chasse à la baleine dans l'Antarctique. Ce conflit a eu des répercussions avérées sur les relations diplomatiques entre ces deux puissances pourtant alliées sur plusieurs dossiers notamment dans la région pacifique.
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Tensions entre Etats avec le commerce illégal
En outre aux difficultés liées à la culture des différents pays, la question du commerce d’animaux et du braconnage est également source de tensions entre pays. En effet, un véritable ensemble de produits dérivés, comme les cornes de rhinocéros, l’ivoire, plumes d’oiseaux, fourrures, ou écailles de pangolin, alimentent les tensions diplomatiques depuis de nombreuses décennies. Les nations africaines sont les plus concernés par ce sujet. Ainsi, de nombreux pays d’Afrique ont eu des tensions avec la Chine dont la demande en ivoire était démesurément grande. Celle-ci provoquait le mort d’environ 30 000 éléphants par an. La Tanzanie notamment qui essayait d’éradiquer le braconnage, rencontrait des difficultés puisque le braconnage était en plein essor financier. En 2017, la Chine, sous pression internationale, interdit le commerce domestique d’ivoire, effort salué par des nations comme le Kenya et la Tanzanie. Toutefois, d’autres exemples illustrent encore les tensions diplomatiques en lien avec la question animale. En effet, l'exploitation illégale des tigres et de leurs composants (peaux, os, viande) a provoqué des conflits diplomatiques entre l'Inde, qui héberge la plus grande population de tigres sauvages, et la Chine, qui connaît une demande persistante en raison de convictions traditionnelles. En dépit des tentatives de régulation et d'interdiction de ce commerce par la Chine, le braconnage persiste à mettre en péril les populations de tigres en Inde. Ainsi, lors d'échanges bilatéraux en 2019, l'Inde a demandé à la Chine, d’intensifier ses démarches dans le combat contre le trafic illégal de tigres. Dans l’objectif de résoudre cet enjeu, une nouvelle dimension de leur coopération transfrontalière s’installe permettant même de calmer en partie leur relation.
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Multilatéralisme : solution à relativiser pour le commerce illégal
Enfin, la lutte contre ce commerce illégal passe également par le multilatéralisme et la conclusion d’accords internationaux comme la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES). Toutefois, des divergences subsistent, et ses réunions sont souvent le théâtre de tensions diplomatiques entre certains pays invoquant différents arguments économiques, commerciaux, voir sociaux. Par exemple, lors d’une réunion en 2016, la CITES interdit à la Namibie et au Zimbabwe d’écouler leurs réserves respectives d'ivoire en provenance des pachydermes décédés de mort naturelle. En les vendant, ces pays soutenaient l’idée qu’avec l’argent récolté, il serait possible de financer leurs programmes de protection, et de ce fait mieux limiter le braconnage. Or, la grade partie des délégués dont les ONG occidentales et l’UE s’y sont fermement opposés, pensant que le trafic pourrait donc bénéficier d’un nouvel essor, puisqu’il serait normal de vendre en toute légalité. Une question complexe, mais qui verra interdire la vente à ces pays de leurs stocks d’ivoire. « Nous avons des droits souverains et nous savons mieux que les autres ce qu'il faut faire de nos ressources naturelles et comment les utiliser » proclame Oppah Muchinguri, la ministre zimbabwéenne de l'Environnement. Une décision fortement critiquée et qui soulève la question de la souveraineté d’un Etat sur ses ressources naturelles. Un Etat peut-il en disposer librement, ou bien doit-il être limiter par un organisme tiers au nom d'un bien commun ? La CITES semble avoir tranché.
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Pression croissante de la société civile sur les Etats et la diplomatie
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La société civile joue désormais un rôle plus qu’essentiel sur la scène internationale quant à la promotion de la protection animale. La notion de « société civile » désigne l'ensemble des organisations, groupes et associations (mouvements citoyens, ONG, syndicats, groupes de défense des droits) n’étant pas affiliés à un gouvernement ou à une entité étatique. Leur objectif est de défendre une cause ou un point de vue relatif à leurs propres intérêts en exerçant une certaine pression. Par conséquent, en raison de la mobilisation croissante des organisations de défense des droits des animaux, à travers des documentaires, manifestations, et études notamment pour l’ONU, que nombre de gouvernements ont inscrit la protection des animaux à leur agenda diplomatique. La protection des animaux a su devenir un élément incontournable des relations internationales. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et plus particulièrement l’Union européenne n'hésitent pas à se positionner comme des leaders mondiaux pour améliorer leur image et ainsi gagner en influence diplomatique. La société civile internationale a su s’imposer et jouer un rôle crucial en parvenant à inscrire ce sujet au sein de l’agenda politique, et ce, malgré certains pays réticents.
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Conclusion : un enjeu nouveau à l’image des préoccupations moderne mais qui doit rester secondaire vis-à-vis de la situation internationale
Les violences faites aux animaux font office de nouvel enjeu diplomatique, et notamment grâce à une société civile très active, ont su s’inscrire à l’agenda politique international. Des tensions, notamment liés à des pratiques culturelles, et commerciales, ont provoqués de vives tensions diplomatiques. Cette question, est le reflet d’une société qui tend à se préoccuper de plus en plus par les enjeux sociaux. Sujet intrinsèquement en lien avec la question environnementale, la question de la violence faites aux animaux pourrait donc bénéficier de l’exposition médiatique dont profite celle-ci. La biodiversité, comprenant les animaux étant également un des facteurs de la stabilité environnementale. Les animaux doivent mériter un traitement plus digne. Toutefois, cet enjeu doit impérativement être relativiser. La situation internationale est critique. La guerre fait rage, et des enjeux d’ordre mondiaux comme la paix, la pauvreté ou encore les violences sexistes dans les deux sens subsistent encore dans certains Etats. La question animale est donc une cause noble mais ne doit pas tenter d’amasser toute l’énergie des Etats dont la gestion des crises leurs est déjà essentielle.